Oh nuit !

La nuit porte conseil.
Alors écoutons-la !
Le marcheur y cale son rythme, en résonance à ceux de l’obscurité naissante.
Allure généralement apaisée.
Les couches sonores s’espacent, se font moins denses, s’aèrent, laissant de l’air libre entres les sonorités moins saturées, ou saturantes, moins amalgamées.
L’oreille respire un peu plus, au fil des heures avancées.
Les sons gagnent en lisibilité. On en identifie d’autant mieux les sources, les espaces où elles s’ébrouent, les mouvements, les timbres et couleurs…
La nuit, tous les sons ne sont pas gris, bien au contraire. Ils gagnent en contraste, en netteté, ils s’affirment comme des particules bruissantes et singulières.
De même les couleurs.
Moins étales.
Plus en ambiances ponctuées, contrastées.
Parfois trop présentes en luminosité, qui viennent aplatir les contrastes et finesses noctambules.
Comme pour les sons, il nous faut souvent choisir les chemins écartés des grandes flaques lumineuses, des grandes nappes sonores. Et lutter sans cesse contre leurs envahissements. Éteindre, assourdir, regagner des espaces non saturés.
Aller vers l’intime, sortir des grands axes, des chemins rebattus, oser le trivial excentré, les lieux qu’ignore le troupeau de touristes programmés.
La nuit est un terrain d’aventure sensorielle, parfois exacerbée, une zone d’écoute et de regard privilégiée, un espace immersif renforcé, pour qui sait en traverser les plages encore à demi sauvages.
J’aime à profiter des ténèbres naissantes, des ombres portées, des chuchotements dans les parcs publics, des voitures endormies, ou se faisant rares, du ronronnement de la cité, avec ses émergences d’autant plus marquées de stridences fracturantes.
Il nous faut parfois apprivoiser la nuit, ou plutôt passer outre nos craintes nocturnes et autres peurs du noir, pour en faire notre amie, notre confidente, notre terrain de jeu.
Elle nous le rend bien, au cœur de la cité, comme de la forêt profonde.
Marcher et écouter la nuit demande de la retenue, un respect des espaces traversés, une posture furtive, un corps qui se glisse dans les lieux surprenants, nappés d’ombres et de sonorités diffuses.
J’ai souvent éclaboussé la nuit de cris et de rires, de fanfares cuivrées… Car elle est aussi une invitation à la fête, aux résurgences dionysiaques, étudiantesques…
Aujourd’hui j’ai plus envie de lui fredonner de douces mélodies, à bouche fermée, de lui susurrer des secrets intimes, de me fondre dans son cocon ouaté.
Même si je pends plaisir à croiser, à l’improviste, un groupe festif, enjoué, dans une explosion jubilatoire et quelque part joliment perturbatrice, jusqu’au calme retrouvé.
La nuit est terre de contraste.
Je la marche en tant que tel.
Et j’invite à partager ces moments où sons, ombres et lumières, se jouent de nos sens titillées, comme nous jouons des dépaysements noctambules.

Photos d’une exploration nocturne lyonnaise des quais du Rhône

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